Je ne sais pas pourquoi cette nouvelle m’a tellement touchée.
Refaire un hôtel à Paris est chose courante. Plusieurs sont en travaux, d’autres viennent de ré-ouvrir, c’est la vie, l’évolution, le cours des choses. On remet au goût du jour.
Mais Le Lutétia! Ce n’est pas un hôtel comme les autres. C’est un lieux de Mémoire.
Tant de choses s’y sont passées, tant de larmes ont coulé! Larmes de joie ou larmes de chagrin, un mélange de douleur et de joie, quelque chose qui échappe à l’entendement d’aujourd’hui et qui se rapporte à la sombre période 39-45, avec une extension de quelques mois, quelques années.
Des événements hors du commun s’y sont déroulés. Des rencontres. Des retrouvailles. Des espoirs se sont éteints, d’autres se sont concrétisés. J’ai eu vent de cette belle histoire alors que, en convalescence au retour des camps de la mort, un homme errait la nuit dans les corridors à la recherche de son épouse, elle aussi disparue dans la rafle du Vel d’Hiv, cette page sombre de l’histoire de France. Blessé, pouvant à peine marcher, il ouvrait toutes les portes qui se présentaient à lui, dérangeait le sommeil des autres, molestait le personnel infirmier qui n’arrivait pas à le calmer.
Et puis, une nuit, il a poussé une porte – la bonne – et, miracle, elle était derrière cette porte… et elle le cherchait aussi. Ils y ont tellement cru, alors qu’on leur disait que l’autre avait disparu, sans trace et sans nouvelle, doute partis en flamme dans les chambres à gaz comme tant d’autres, ils l’ont tellement souhaité, appelé, visualisé, qu’ils se sont retrouvés… Épuisés et malades, mais vivants.
Cette histoire et des centaines d’autres, moins spectaculaires mais tout aussi touchantes, font de cet hôtel un endroit mythique. Il y a quelque chose de sacré dans ce lieux-là. Quelque chose qui échappe à la raison et aux impératifs de modernité.
Comment réussiront-ils – ces architectes faiseurs de miracles – à préserver l’âme du Lutétia? Peut-être se sont-ils mis d’accord avec l’Invisible pour que – malgré les travaux et les changements – les âmes aillent se reposer ailleurs, pas trop loin, et reprennent leurs nouveaux locaux une fois les chamboulements terminés? Ils ont le choix ces fantômes d’aller à la petite chapelle de la médaille rue du Bac, à l’église si bien cachée derrière un immeuble de la rue de Sèvres ou à la synagogue de la rue Suger à St-Germain-des-Prés.
Peut-être choisiront-ils simplement de se cacher derrière une porte et d’attendre qu’elle s’ouvre sur un miracle?
Très agréable de vous lire, et d’apprendre chaque jour un peu plus.
Merci Mia.