C’est exactement le fond de ma pensée, parfaitement exprimé.
Et si tu regrettes quelque chose, tu es aussi absurde que celui-là qui regretterait de n’être point né à une autre époque ou petit alors qu’il est grand ou dans une autre contrée, et qui puiserait dans ses absurdes rêveries son désespoir de chaque instant.
Fou celui qui se ronge les dents contre le passé qui est bloc de granit et révolu. Accepte ce jour comme il t’est donné au lieu de te heurter à l’irréparable. Irréparable n’a point de signification car c’est la marque de tout passé. Et comme il n’est point de but atteint, ni de cycle révolu, ni d’époque achevée, comment saurais-tu qu’est à regretter la démarche qui n’a pas encore abouti et qui n’aboutira jamais, car le sens des choses ne réside point dans la provision une fois faite que consomment les sédentaires, mais dans la chaleur de la transformation, de la marche, ou du désir.
Et celui-là qui vient d’être battu et sous le talon de son vainqueur se recompose, je le dis plus victorieux dans sa démarche que celui-là qui jouit de sa victoire d’hier comme un sédentaire de ses provisions, et s’achemine déjà vers la mort.
Ainsi n’écoute jamais ceux qui te veulent servir en te conseillant de renoncer à l’une de tes aspirations. Tu la connais, ta vocation, à ce qu’elle pèse en toi. Et si tu la trahis c’est toi que tu défigures. »
Antoine de Saint Exupéry – La Citadelle
Merci Mia, très beau texte.
Merci Mia, très beau.