Je transmets cet article envoyé par mon amie Josiane, non parce que je suis paresseuse, mais parce que cela reflète ma pensée.
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Rihanna ou Audrey Hepburn ?
Publié le 17 mai 2014 dans Culture
L’exposition Papier glacé au Palais Galliera condense l’évolution de la photo de mode depuis le début du 20ème siècle à aujourd’hui.
Par Bénédicte Cart.
Ma presse féminine préférée sous le bras, allant réglé mon achat, je tombe nez à nez avec une Rihanna dénudée, en couverture du magazine Lui. Prise au dépourvue, je reste dix secondes comme une idiote, à la regarder. Puis reprenant mes esprits, je me dis que c’est normal de voir des femmes court vêtues ou à moitié nue dans la plupart des magazines de mode, alors en première page de Lui…
Mais j’ai pu renouer avec une image élégante et glamour de la femme sur papier glacé grâce à l’exposition Condé Nast au Palais Galliera, à Paris. Une exposition qui suscite de longues conversations sur l’évolution de la mode, du port du corset par nos arrière-grand-mères ou grand-mères au bikini d’aujourd’hui. Les femmes les plus âgées préférant l’image des années 50, et les plus jeunes voulant démontrer que la libération de la femme, le port de la mini-jupe ou du pantalon sont des moyens pour affirmer notre statut et notre liberté à être ce que nous voulons.
Est-ce réellement le cas ? Que représentent les filles de ces magazines ? Et leurs mises en scène ? Reprenons : à chaque guerre, une petite révolution vestimentaire pour nous, les femmes. Nos jupes se raccourcissent. On ose le costume d’homme. Nous nous rapprochons du dressing à un battant où homme et femme pourraient s’habiller de la même manière. Il n’est pas difficile d’observer ces changements ; un samedi soir dans n’importe quel centre-ville, vous pourrez prendre le pouls de la nouvelle génération : des jupes plus micro que mini, des robes de plus en plus moulantes et des chaussures de plus en plus hautes.
Papier glacé
L’exposition Papier glacé puise dans les archives de Condé Nast New York, Paris, Milan et Londres, pour réunir cent cinquante tirages, pour la plupart originaux, des plus grands photographes de mode de 1918 à nos jours : Edward Steichen, George Hoyningen-Huene, Horst P. Horst, Cecil Beaton, Erwin Blumenfeld, Irving Penn, Guy Bourdin, William Klein, David Bailey, Helmut Newton, Bruce Weber, Peter Lindbergh, Steven Meisel, Inez van Lamsweerde & Vinoodh, Matadin, Miles Aldridge, Mario Testino… autant de noms qui font rêver les amatrices de clichés chics et glamour.
Ces tendances nous viennent-elles de nos magazines ?
L’exposition Condé Nast condense l’évolution de la photo de mode depuis le début du 20ème siècle à aujourd’hui. Dans les années 1920 à 1960, les modèles mettaient joliment en valeur les créations, les conseils étaient nombreux pour porter col jabot, fourrure, chignon… le tout dans un cadre naturel. Une vitrine du chic, de l’élégance et du raffinement au quotidien. Ces magazines avaient pour vocation de faire rêver et de conseiller les femmes. Je n’imagine pas que toutes les lectrices avaient un corps harmonieux, toujours parfaites de l’escarpin à la mèche rebelle domptée dans un savant chignon. Mais je peux aisément penser que les femmes avaient pour rôle de paraître soucieuses de leurs apparences, élégantes, respectueuses de leurs corps et des règles en matière de mode. La société respectait alors les règles, les conventions en la matière, la mise en beauté des femmes.
Et aujourd’hui ? Nous voyons des femmes habillées, c’est vrai, mais nous voyons surtout une forme de liberté. Elle me saute aux yeux sur les photos, elle est parfois contenue dans une expression, un décor et parfois déstructurée, sans but, sans cadre. Je pensais à une liberté créative, brute, attendant d’être domptée. Elle a été acquise au cours du temps, mais il nous faut à présent lui trouver un but, une manière de nous mettre en beauté. Dans les magazines, les belles femmes, souriantes, le regard coquin, du rouge aux lèvres, sont remplacées par des corps parfaits, parfois anorexiques, mais surtout « zéro défaut ». On ne recherche plus la taille « zéro », mais tout le corps doit être « zéro défaut », et puis au pire, il est toujours possible de le retoucher.
À nous lectrices, que nous apprennent ces photos ?
Pendant l’exposition, c’est vrai que je n’étais pas choquée par le peu de tissu sur les photos récentes. Mais quand je me suis retournée vers les deux autres représentantes de la gente féminine, j’ai bien vu leur regard. Il en disait long ! Voilà ce que cela donnait :
Quelle honte de montrer des femmes aussi dénudées !
Que les mannequins soient parfaites ou retouchées, d’accord, mais même les habits n’ont aucun sens, ils ne respectent rien, c’est importable.
Jamais je ne pourrai porter ça, je suis trop vieille et ils ne se rendent pas compte que le corps d’une femme ce n’est pas cela. Ils créent pour qui ?
Je trouvais dans ces interrogations le fond de ma propre réflexion. Qu’est-ce que la mode et la presse féminine aujourd’hui ? La mode deviendrait-elle un art, avec ses créateurs phares, ses photographes et ses mécènes ? Je dirais que cela en a l’apparence ; on recherche la perfection esthétique. La créativité et la liberté de faire ce que nous voulons de notre apparence, prenant le pas sur l’élaboration et la pensée du vêtement, du style.
Et dans la réalité, que se passe-t-il ? Nous copions nos magazines, comme nos prédécesseurs, nous cherchons à nous conformer à ce que nous trouvons dans leurs pages. Ils nous inspirent, c’est ce qu’attend de nous la société.
La femme dans sa simplicité ? Non, aujourd’hui nous parlons de la tendance au minimalisme. La mode devient un art complexe, les photos sont des œuvres où les artistes expriment un sentiment sur la société. La femme d’aujourd’hui peut tout porter, de la robe moulante, sexy et courte, au costume masculin, en passant par la jupe plissée. Voilà notre liberté, elle est là, les photographes y sont sensibles, la captent. La mode s’est libérée, mais elle devient un objet qui n’a plus de sens. Les photographies de jeunes femmes des années 20 à 60 que j’ai pu admirées inspiraient confiance, respect, simplicité, raffinement et élégance. Celles que je peux voir aujourd’hui dans ces mêmes magazines m’inspirent la liberté mais aussi la peur de ne pas contrôler notre image, de nous montrer fragiles, d’être libres au fond. Alors nous montrons ce qui n’existe pas, un corps parfait portant des vêtements créatifs, une forme de refuge où nous pouvons exprimer notre perte de repères en matière d’habillement. Et si nous exprimons cette liberté vestimentaire, les photographies inspirent parfois de la souffrance, parfois un espoir, de parvenir à l’équilibre entre nostalgie du passé, liberté au présent et promesses d’un futur meilleur.
Rihanna ou Audrey Hepburn, chacun pourra faire son choix entre ces deux modèles, entre les magazines passés ou présents. Et chacun pourra choisir d’utiliser avec intelligence la liberté de pouvoir s’habiller, de s’inspirer de tous ces magazines. Pour se sentir soi en prenant un peu de chaque époque et inventer son style.