06 juin 2012 FIGARO
Vive le petit roi !

Interview de Marlène Schiappa, fondatrice du réseau Maman travaille et auteure d’“Éloge de l’enfant roi”
Par Sandra Franrenet

Régulièrement houspillé pour la liste longue comme le bras de ses défauts, l’enfant roi revient sur le devant de la scène avec le dernier ouvrage de Marlène Schiappa. Sauf que cette fois, ce n’est pas pour le clouer au pilori, mais pour prendre sa défense. Interview.

Lefigaro.fr/madame. – Un enfant roi, c’est quoi ?
Marlène Schiappa. – C’est l’enfant de l’autre ! J’ai interrogé une vingtaine de parents et une quinzaine d’experts potentiellement parents. Curieusement, personne ne trouve jamais son propre rejeton insupportable, alors qu’à les écouter, il y a des enfants rois partout ! Je crois que l’on assiste à un mélange des genres et à une belle hypocrisie. Il existe bien sûr des enfants mal élevés, violents, tortionnaires, délaissés. Peut-on pour autant les ranger dans la même catégorie ? Je ne le crois pas ! C’est la raison pour laquelle je distingue l’enfant roi de l’enfant tortionnaire et de l’enfant loup totalement livré à lui-même. Je crois qu’in fine, le vrai problème, c’est que les enfants nous dérangent : on ne supporte pas de les voir s’immiscer dans l’espace public ou plus simplement dans nos conversations d’adultes.

Si l’enfant roi n’est ni tyrannique, ni un enfant loup, qui est-ce ?
C’est un enfant gâté qui bénéficie d’une grande liberté de choix. Cette description montre d’ailleurs que le terme « roi » est mal choisi car il ne correspond pas à la réalité. Celui que l’on appelle « enfant roi » tient finalement plus du rebelle que du souverain : il questionne, remet en cause, bouleverse l’ordre établi, demande des comptes, argumente, présente ses cahiers de doléances, manifeste et met en exergue les contradictions du système dont il refuse les inégalités. Bref, il a plus à voir avec Robespierre qu’avec Louis XIV ! Je lui préfère donc largement le terme « révolutionnaire ».

“Se détacher des kits de prêt-à-dresser”
Jusqu’à présent, vous vous êtes penchée sur la question des mères qui travaillent. Pourquoi vous intéresser maintenant à celle de l’enfant roi ?
Je suis maman de deux petites filles dont on me dit régulièrement que ce sont des enfants rois. J’ai donc voulu comprendre pourquoi ma manière de les éduquer dérange… et j’ai compris ! Le truc du it parent aujourd’hui, c’est l’autorité. C’est tout juste si l’on ne regrette pas le temps où l’on agitait le martinet. Personnellement, je n’ai pas envie d’avoir ce genre de rapport avec mes enfants et je pense que je ne suis pas la seule. Mon livre vise donc à donner des arguments pour parer aux accusations de l’entourage et plus globalement de la société.

Éloge de l’enfant roi est un titre éloquent. Cela signifie-t-il que vous assumez d’avoir des enfants rois et que vous défendez ce type d’éducation ?
Depuis ce livre, je suis devenue une mère décomplexée qui assume l’éducation que je donne à mes filles. En revanche, loin de moi l’idée de défendre ni de prôner les mérites d’une méthode éducative plutôt qu’une autre. Mon objectif consiste simplement à remettre en question ce concept que je trouve très hypocrite à travers des théories, des témoignages et des faits réels et vérifiés. Pourquoi ne pas, pour une fois, montrer le bon côté de la médaille par une approche totalement subjective ?

Il est temps que les parents arrêtent de complexer et se fassent confiance.

Capricieux, insupportables, mal élevés… On pointe avec délectation les défauts des enfants rois. Dans votre ouvrage, vous vous efforcez de montrer leurs qualités. Quelles sont-elles ?
Elles sont nombreuses et le plus drôle, c’est que même ses plus puissants détracteurs lui reconnaissent les vertus les plus élogieuses ! Tous admettent que l’enfant roi est intelligent, empathique, bon négociateur et inspirant. À y regarder de plus près, ne s’agit-il pas des qualités que le monde de l’entreprise recherche désespérément ? Et le but ultime des parents n’est-il pas d’avoir des enfants qui s’insèrent dans la société en trouvant un travail ?

Quel message souhaitez-vous faire passer aux parents ?
De se détacher des kits de prêt-à-dresser et des réponses de garagiste du type : « Il a peur de dormir ? Couchez-le dans le noir et éteignez la lumière. » Un enfant n’est pas une voiture dont on peut conseiller à distance de changer un pneu si elle tire à gauche ! Il est temps que les parents arrêtent de complexer et se fassent confiance. Avoir un enfant roi, ça n’est pas si grave !

Éloge de l’enfant roi, de Marlène Schiappa (François Bourin Éditeur), en librairies le 12 juin 2012.

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